Les obligations de l’employeur en période de canicule : quelles sont les obligations ?
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Avec la multiplication des vagues de chaleur, la question du travail en période de canicule devient un enjeu majeur de santé publique et de gestion sociale de votre entreprise. Les températures extrêmes impactent la sécurité, la productivité et parfois même la continuité de l’activité. Si le Code du travail ne fixe pas de température maximale pour travailler, il impose en revanche à l’employeur une obligation générale de sécurité et de prévention des risques. En clair : il doit tout mettre en œuvre pour protéger la santé physique et mentale de ses salariés, y compris face aux fortes chaleurs. Dans cet article, nous allons voir ce que dit la loi, comment prévenir efficacement les risques liés à la chaleur et quelles sont les bonnes pratiques à mettre en œuvre en entreprise, que vous dirigiez une TPE, une société industrielle ou un chantier de construction.


- L’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, même sans température maximale fixée par le Code du travail.
- En période de forte chaleur, il doit évaluer les risques liés aux ambiances thermiques et les inscrire dans le DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels).
- Les mesures de prévention incluent la mise à disposition d’eau potable, la ventilation des locaux, des pauses plus fréquentes et, si nécessaire, l’aménagement des horaires.
- Dans le secteur du BTP, les exigences sont renforcées : 3 litres d’eau par jour et par salarié, zones d’ombre et possibilité d’arrêter le chantier.
- Le droit de retrait peut être exercé par le salarié si la chaleur met sa santé en danger.
- Le médecin du travail et l’inspection du travail peuvent intervenir en cas de manquement.
- L’expert-comptable peut accompagner l’employeur dans le suivi administratif et le coût des mesures liées à la sécurité au travail.
Canicule et droit du travail : un enjeu de santé publique
Les épisodes caniculaires sont désormais considérés comme un risque professionnel à part entière. Selon Météo-France, les alertes se déclinent en quatre niveaux :
- Vert : aucune vigilance particulière.
- Jaune : chaleur modérée nécessitant une surveillance.
- Orange : risque élevé de canicule avec impact possible sur la santé.
- Rouge : danger extrême nécessitant des mesures immédiates.
Lorsqu’une alerte orange ou rouge est déclenchée, l’employeur doit réévaluer quotidiennement les risques. Cela implique de prendre en compte la température réelle, la charge de travail, les conditions du poste (intérieur, extérieur, exposition au soleil) et l’état de santé des salariés.


L’obligation de sécurité
L’article L4121-1 du Code du travail est clair : l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Cette obligation s’applique pleinement en période de canicule. Elle comprend notamment :
- l’évaluation des risques (via le DUERP),
- la mise en place d’actions de prévention,
- la formation et l’information des salariés,
- l’adaptation du travail pour limiter les risques.
Ne pas anticiper la canicule, c’est donc s’exposer à une faute en matière de sécurité au travail.
Selon l’INRS, 80 % des maladies professionnelles liées à la chaleur touchent les travailleurs exposés (BTP, agriculture, logistique).
Le droit de retrait en cas de canicule ou de forte chaleur
Le droit de retrait permet au salarié de quitter son poste sans sanction s’il estime que sa santé est menacée. Il est encadré par l’article L4131-1 du Code du travail.
Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
Jusqu'à quelle température maximale peut-on travailler selon le Code du travail ? Que dit la réglementation ?
Un salarié travaillant dans un bureau non ventilé à plus de 35°C, ou un ouvrier sur un chantier sans point d’eau ni ombre, peut donc exercer ce droit.
L’employeur, de son côté, doit analyser la situation sans délai. Si le danger est réel, il prend des mesures immédiates (pause, aménagement, arrêt du travail). En cas de désaccord, l’inspection du travail ou le CSE peuvent être saisis.
Les obligations concrètes de l’employeur en cas de forte chaleur
La première étape consiste à intégrer le risque de canicule dans le document unique d’évaluation des risques (DUERP). Ce document doit être mis à jour régulièrement, notamment lors de conditions climatiques exceptionnelles.
L’employeur doit ensuite adopter des mesures de prévention adaptées :
- Mettre à disposition de l’eau potable et fraîche en quantité suffisante.
- Veiller à la bonne ventilation des locaux pour éviter les hausses excessives de température.
- Équiper les locaux de stores, ventilateurs ou climatisation quand cela est possible.
- Prévoir des zones d’ombre ou de repos ventilées pour les salariés travaillant en extérieur.
- Fournir des vêtements adaptés (clairs, respirants, amples).


Ces actions doivent être accompagnées d’une information claire des salariés sur les gestes à adopter en cas de forte chaleur : hydratation régulière, pauses fréquentes, surveillance des signes de fatigue, éviter les boissons alcoolisées, etc.
Adapter l’organisation du travail
L’employeur doit aussi ajuster les conditions de travail lorsque la température devient critique :
- Décaler les horaires pour éviter les heures les plus chaudes (par exemple, début de journée plus tôt).
- Alléger la charge de travail physique pendant les pics de chaleur.
- Aménager des pauses plus fréquentes.
- Mettre en place le télétravail, lorsque cela est possible.
Ces aménagements doivent être faits dans le respect du dialogue social et, si possible, en concertation avec les représentants du personnel ou le CSE.
En outre pour tous les secteurs d’activité, l’article R.4525-2 du Code du travail prévoit que “L'employeur met à disposition des travailleurs de l'eau potable et fraîche pour leur permettre de se désaltérer et de se rafraîchir.”
Le secteur du BTP : des règles spécifiques
Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) est particulièrement exposé aux risques liés à la chaleur. Pour cette raison, le Code du travail et les recommandations de l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) imposent des précautions renforcées.
Obligations spécifiques :
- Eau potable et fraîche : minimum 3 litres par jour et par salarié.
- Locaux de repos adaptés : ombragés ou ventilés.
- Pauses régulières à l’abri de la chaleur.
- Équipements compatibles : éviter les EPI (casques, gilets, gants) inadaptés à la chaleur.
- Organisation du chantier : possibilité de suspendre les travaux ou de modifier les horaires si les températures deviennent dangereuses.
L’employeur doit également s’assurer que les travailleurs sont formés à reconnaître les signes d’un coup de chaleur et à réagir en conséquence. En cas de danger immédiat, il peut décider de l’arrêt du chantier sans pénalité pour les salariés.
Le BTP représente plus de 50 % des accidents liés à la chaleur recensés par l’INRS.
Reconnaître et prévenir les coups de chaleur
Un coup de chaleur survient lorsque le corps n’arrive plus à réguler sa température. C’est une urgence médicale.
Symptômes à surveiller :
- Température corporelle supérieure à 40°C,
- Peau chaude et sèche,
- Fatigue intense, maux de tête, confusion,
- Nausées, vertiges, perte de connaissance.
Gestes à adopter :
- Alerter les secours (15 ou 18),
- Mettre la personne à l’abri dans un lieu frais,
- Rafraîchir avec de l’eau et de l’air,
- Desserrer les vêtements, allonger la victime.
L’entreprise doit former ses salariés aux gestes de premiers secours et afficher les numéros d’urgence dans les locaux.
Salariés vulnérables : des aménagements indispensables
Certaines personnes sont plus sensibles à la chaleur : femmes enceintes, salariés âgés, personnes souffrant de maladies chroniques ou prenant certains traitements.
Dans ces cas, le médecin du travail joue un rôle central. Il peut :
- recommander un aménagement du poste de travail,
- conseiller un horaire allégé ou décalé,
- ou, dans les cas extrêmes, prescrire un arrêt de travail.
L’employeur doit suivre ces préconisations et en tenir compte dans son organisation, sans discrimination ni perte de rémunération injustifiée.
Télétravail et activités sédentaires : la vigilance reste de mise
Même à domicile, la chaleur peut impacter la santé et la concentration. L’employeur reste responsable de la prévention des risques professionnels, même en télétravail.
Il peut diffuser des recommandations pratiques :
- boire régulièrement,
- aérer les pièces,
- éviter les heures d’exposition directe au soleil,
- prévoir des pauses,
- utiliser un ventilateur ou un climatiseur si possible.
Ces conseils doivent être relayés dans les communications internes et les chartes de télétravail.
Contrôles et sanctions : que risque l’employeur ?
Le non-respect de l’obligation de sécurité peut engager la responsabilité civile et pénale de l’employeur.
L’inspection du travail dispose du pouvoir d’ordonner :
- des ajustements immédiats,
- une suspension d’activité,
- voire des sanctions administratives.
Il est donc essentiel de documenter les actions mises en œuvre : fiches de prévention, affichage, mises à jour du DUERP, rapports d’incidents. L’expert-comptable peut vous accompagner dans cette démarche en garantissant la bonne tenue administrative et financière des actions correctives.
Les dernières évolutions réglementaires : un cadre renforcé depuis la loi du 1er juillet 2025
Les épisodes de chaleur extrême se multiplient, et les pouvoirs publics ont décidé de renforcer la protection des travailleurs exposés à ce risque. Un nouveau cadre réglementaire a ainsi été instauré par le décret et l’arrêté du 27 mai 2025, publiés au Journal officiel et entrés en vigueur le 1er juillet 2025.
Un nouveau chapitre dédié aux fortes chaleurs dans le Code du travail
Le décret du 27 mai 2025 crée un chapitre III au titre VI du livre IV de la quatrième partie du Code du travail (articles R.4463-1 à R.4463-8), entièrement consacré à la prévention des risques liés aux épisodes de chaleur.
L’objectif : formaliser et adapter les obligations de l’employeur selon l’intensité des vagues de chaleur, tout en harmonisant la réponse des entreprises face aux alertes météorologiques.
Désormais, le risque chaleur est reconnu comme un risque professionnel à part entière. Cela signifie qu’il doit être intégré :
- au Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) ;
- au programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (PAPRIPACT) ;
- et, le cas échéant, au plan de prévention pour les interventions d’entreprises extérieures.
2023, 2022 et 2020 sont dans le top 5 des années les plus chaudes jamais enregistrées en France.
Ces documents doivent être mis à jour à chaque épisode de forte chaleur, ou dès que son intensité ou sa durée évolue.
L’articulation avec les niveaux de vigilance (jaune, orange, rouge) Météo-France
Une des principales nouveautés du décret est d’avoir adossé les obligations de l’employeur au dispositif officiel de vigilance “canicule” de Météo-France.
- Vigilance jaune : le risque de chaleur est présent, mais modéré. L’employeur doit vérifier l’accès à l’eau, aménager les horaires si possible, et sensibiliser les salariés aux premiers signes de déshydratation.
- Vigilance orange : l’épisode de chaleur devient intense. L’employeur doit renforcer les pauses, adapter les cadences, fournir des équipements de protection adaptés, et prévoir des zones ombragées ou ventilées.
- Vigilance rouge : situation exceptionnelle. Les activités les plus exposées peuvent être suspendues, et l’employeur doit mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé des travailleurs.
Ce système a l’avantage d’être souple et territorialement adapté : les obligations varient selon la zone géographique et les bulletins de vigilance émis localement, évitant ainsi une approche figée fondée sur une température “seuil” unique.
Un cadre applicable à tous les secteurs et à toutes les formes de travail
Autre évolution notable : le nouveau dispositif s’applique à l’ensemble des employeurs, quel que soit leur secteur d’activité.
- les travailleurs en extérieur (BTP, agriculture, logistique, restauration, services de voirie, etc.) ;
- que ceux exerçant en intérieur, notamment dans les entrepôts, les ateliers, ou les bureaux mal ventilés.
Les textes prévoient également une attention particulière pour :
- les travailleurs indépendants, souvent moins protégés mais également exposés ;
- les salariés d’entreprises sous-traitantes ou extérieures, qui doivent bénéficier des mêmes mesures de prévention dans le cadre du plan de prévention.
L’esprit du législateur : flexibilité et responsabilité
Le choix du législateur n’a pas été de fixer une température maximale au-delà de laquelle il serait interdit de travailler.
Pourquoi ? Parce que les effets de la chaleur dépendent de nombreux paramètres : humidité, ventilation, intensité de l’activité, équipement, durée d’exposition, état de santé du salarié…
C’est pourquoi le gouvernement a préféré un système gradué et contextualisé, fondé sur les niveaux de vigilance Météo-France.
Ce choix vise à responsabiliser les employeurs, tout en leur laissant une marge d’adaptation selon leur activité.
L’employeur reste libre de déterminer les mesures les plus adaptées, à condition qu’elles garantissent la santé et la sécurité de ses salariés, comme l’exige l’article L.4121-1 du Code du travail.
Ce que cela change concrètement pour les entreprises
D’un point de vue pratique, cette réforme impose une vigilance accrue et une réactivité renforcée :
- Les entreprises doivent suivre les bulletins Météo-France et adapter leurs mesures de prévention en conséquence.
- Les procédures internes doivent prévoir un mode d’action clair en cas de passage à un niveau de vigilance supérieur (alerte interne, consignes, coordination avec le CSE, etc.).
- Le DUERP doit être mis à jour régulièrement pour intégrer le risque chaleur, avec des mesures spécifiques et documentées.
- En cas de contrôle de l’inspection du travail, les employeurs devront démontrer qu’ils ont pris en compte ces obligations et mis en œuvre les moyens adaptés.
En résumé, la canicule n’est pas seulement une contrainte météorologique : c’est un risque professionnel majeur que l’employeur doit maîtriser.
À retenir :
- L’employeur doit garantir la sécurité et la santé de ses salariés, même sans seuil légal de température.
- Le risque canicule doit être évalué et inscrit dans le DUERP.
- Des mesures concrètes sont à appliquer : eau, pauses, ventilation, horaires aménagés.
- Le secteur du BTP est soumis à des obligations renforcées.
- Le droit de retrait s’exerce en cas de danger grave.
- Les salariés vulnérables bénéficient d’une attention particulière.
- Le rôle de l’expert-comptable est de vous aider à suivre ces obligations et à planifier les dépenses de prévention.
Anticiper la canicule, c’est protéger vos équipes, limiter les risques juridiques et assurer la continuité de votre activité. La prévention n’est pas une option, c’est une responsabilité et un levier de performance durable.


Maha est directrice des opérations. Chez Dougs, elle pilote le pôle formation des comptables et assure la coordination des opérations entre les différents services, garantissant une fluidité et une efficacité optimale.
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